Résumé :
Le secteur social et médico-social a été structuré, en France, par la loi du 30 juin 1975 qui donnait une définition légale des institutions de ce secteur.
Sa rénovation, rendue très vite nécessaire par une évolution du contexte de l’action sociale et médico-sociale, a cependant mis 27 ans pour voir le jour. La forme finale de cette rénovation de la loi de 1975, la loi 2002-2, est en train d’entraîner des changements importants dans l’organisation des institutions du secteur, dans leurs rapports avec leur environnement et avec leurs tutelles et dans la pratique des professionnels. Elle est construite autour de quatre axes principaux, qui introduisent des innovations importantes pour ce secteur :
1. L’affirmation et la promotion des droits fondamentaux des usagers et de leurs représentants ;
2. L’élargissement des missions de l’action sociale et médico-sociale, la diversification des interventions et de la nomenclature des établissements et services ;
3. L’amélioration des procédures techniques de pilotage du dispositif ;
4. La procédure d’évaluation.
La loi précise que pour atteindre ces objectifs, l’action sociale et médico-sociale s’appuie sur « une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux (…) et sur la mise à disposition de prestations en espèces ou en nature », en respectant « l’égale dignité de tous les êtres humains » pour répondre aux besoins de chacun d’eux en assurant un accès équitable aux diverses prestations sur l’ensemble du territoire. Bien que l’on puisse d’emblée retenir la portée essentiellement déclarative de ses principes fondamentaux, il n’en reste pas moins qu’ils sont pour la première fois énoncés dans une loi.
Le législateur a donc souhaité que soient garantis les droits des usagers et qu’ils soient impliqués de façon réelle dans les décisions et l’organisation de structures qui les concernent. En revanche, la loi précise peu la manière dont les professionnels de terrain devront appliquer sa mise en œuvre, mais impose les outils qu’ils devront utiliser.
Seront-ils à nouveau placés dans cette position (qui selon nous est paradoxale) de poursuivre les objectifs énoncés par la loi (autonomie, citoyenneté, cohésion sociale…) sans que ces mêmes objectifs ne leurs soient appliqués dans leur cadre d’exercice professionnel ? Le professionnel peut-il aider l’usager à développer son autonomie avec des outils imposés ? Peut-il aider cet usager à exercer sa citoyenneté si lui-même ne peut exercer la sienne au sein de l’institution ?
L’autoévaluation permettra-t-elle que les professionnels soient réellement impliqués, eux aussi, dans le fonctionnement des structures, dans la recherche des réponses à apporter aux besoins des usagers ? Favorisera-t-elle l’adaptation des réponses en continu en fonction de l’évolution de ces besoins ? Les modifications des rapports de pouvoir, qui ne manqueront pas de se produire à la suite de l’application des droits de usagers et de la pratique de l’évaluation, seront-elles facteurs favorisants ou réducteurs de l’autonomie et de la démocratie au sein des institutions ?
La loi vise aussi, de manière très claire, une rationalisation du secteur, en termes d’organisation économique et géographique et de contrôle.
Les différentes finalités de la loi seront-elles compatibles entre elles ?
Ce qui se passera en interne pourra-t-il être en cohérence avec ce qui se passera en externe ? Peut-on chercher l’autonomie, la cohésion sociale et l’exercice de la citoyenneté en mettant en place un contrôle externe (procédure d’autorisation et de fermeture, conseil national de l’évaluation, schémas d’organisation sociale et médico-sociale) ?
Il est prévu que le Conseil national d’évaluation de l’action sociale et médico-sociale élabore ou valide un recueil de recommandations de bonnes pratiques professionnelles, à l’instar des recommandations de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé dans le sanitaire, qui devrait servir de guide aux évaluations. L’exemple du sanitaire pourrait alors faire craindre une rigidité peu adaptée aux contraintes des très nombreux services sociaux et médico-sociaux (nombre, différents niveaux de tutelles, taille réduite de nombreux services…).
Les acteurs de l’action sociale et médico-sociale peuvent donc s’interroger sur l’impact de la loi 2002-2 et sur les réelles avancées, en termes d’adaptation aux besoins et de démocratie qu’elle pourra ou non, entraîner.
La mise en œuvre de la loi 2002-2, pourra-t-elle favoriser le développement d’institutions réellement démocratiques, garantes d’une adaptation fine et souple aux besoins des usagers ?
En particulier, quel type d’évaluation choisir et comment appliquer les droits des usagers afin de favoriser l’expression et le développement de l’autonomie des acteurs, condition de cette démocratie ?