Introduction :
Depuis les accords de Bologne (1999), les professions paramédicales sont invitées, en tant que formations d’enseignement supérieur post-baccalauréat et dans la suite des réformes universitaires, à mettre en place d’ici 2010-11, le système L.M.D (Licence, Master, Doctorat), l’organisation des études en semestres, des Unités d’.Enseignement (U.E) avec un système de crédits d’enseignement : European Crédits Transfert System (E.C.T.S), capitalisables et transférables. Cette réforme visant l’harmonisation européenne constitue pour ces professions, le premier cadre pour repenser leurs métiers, leurs formations. Les décisions visant sa conception, sont élaborées à un niveau national par le jeu de négociations entre les syndicats, les organisations professionnelles et les deux Ministères concernés : le Ministère de la Santé dont elles sont dépendantes, et le Ministère de l’Enseignement Supérieur garant de la cohérence et de la validité des enseignements universitaires.
Pour comprendre le processus d’universitarisation, objet de notre recherche, sa genèse et ses implications pour les instituts de formation présents dans notre entreprise, nous avons trouvé pertinent d’utiliser la métaphore qu’emploie Thierry Ardouin [3] dans son livre « l’ingénierie de formation en entreprise » avec « le maitre d’ouvrage au maitre d’œuvre », comme suivant le fil d’un projet, « de sa conception à sa réalisation ». Nous avons construit ce mémoire suivant les différents contextes, mettant à jour à la fois les niveaux organisationnels, et les jeux des acteurs.
Nous avons donc concentré la première partie de notre recherche sur la compréhension du processus d’universitarisation, des différents acteurs, en faisant un relevé minutieux de la « littérature grise [4] » entourant ce sujet notamment les rapports ministériels nous permettant d’en saisir sa genèse. Nous avons assisté à deux réunions concernant le sujet, l’une à Rennes pour la présentation du référentiel formation infirmier, réunion animée par les conseillères pédagogiques D.R.A.S.S (Direction Régionale de l’Action Sanitaire et Sociale), l’autre à Paris à l’U.I.P.A.R.M, (Union InterProfessionnelle des Associations des Rééducateurs et Médico techniques) en présence de la D.H.O.S (Direction Hospitalière et Organisation de la Santé). Nous avons découvert les coulisses, sa complexité avec les luttes de pouvoir entourant sa conception. Cette première approche nous a permis d’appréhender les dynamiques professionnelles nous replongeant dans la construction historique de ces professions paramédicales avec des premiers questionnements : Pourquoi la scission entre médical et paramédical ? Comment comprendre les divergences entre auxiliaires médicaux ? Quels peuvent être les enjeux pour les différents acteurs ? L’universitarisation apporte-t- elle un changement de paradigme pour ces professions ? Quels peuvent être les impacts pour les professions présentes à l’I.F.P.E.K ? Les notions de dynamiques professionnelles, de profession, métier s’imposaient à nous. La lecture de C.Dubar et P.Tripier pour ce qui concerne le décodage de la construction historique des professions, nous a permis de comprendre la dynamique des acteurs, en nous livrant deux concepts clés (Licence, Mandate) de la perspective interactionniste, au regard de la sociologie des professions. La réforme imposait également une logique en termes de normes, de conformité, de politique ajustée à celle des enjeux économiques avec les notions de compétences et de professionnalisation. F.Osty, G.Le Boterf, P.Zarifian et R.Wittorki nous ont aidés à une lecture de cette réforme et de ses enjeux, que se soit au niveau national, régional ou local. Dans cette première partie du mémoire, nous nous sommes également intéressés au deuxième niveau, celui de la mise en œuvre situé au niveau régional. Nous avons alors interrogé une représentante du Conseil Régional de Bretagne, en tant qu’acteur de la mise en œuvre, pour entendre son positionnement. Notre objectif était de saisir le rôle du Conseil Régional dans la réforme, sa participation dans la mise en œuvre, et ce, aussi vis-à-vis de notre entreprise. Cet entretien à visée informative, nous a montré une autre facette de l’universitarisation, l’espace possible de négociation pour notre entreprise et asseoir le processus pour les trois formations.
En avançant dans la compréhension du processus, nous nous sommes centrés autour d’une question principale : Quel projet d’universitarisation pour l’entreprise I.F.P.E.K regroupant trois formations initiales apparentées à des métiers et professions différents ? Cela nous apparaissait comme la problématique essentielle de la mise en place de l’universitarisation des trois instituts de l’I.F.P.E.K. En effet, la différence des stratégies des professions entrevues dans le contexte national et l’instabilité des contextes, nous laissaient présupposer d’une dynamique similaire dans notre entreprise, quelque soit le projet d’établissement de l’entreprise.
Nous devions mettre à plat l’histoire de l’institution, les modes de fonctionnement des trois instituts, envisager les répercussions de cette réforme sur l’entreprise, tant au niveau managérial qu’au niveau pédagogique.
C’est ce que nous avons entrepris dans la seconde partie de ce mémoire. Nous avons décrit l’entreprise qui nous emploie en s’appuyant sur des documents internes à l’institution, des témoignages, une monographie constituée antérieurement. Ces éléments confrontés à la lecture de Mintzberg nous ont permis de décrypter l’histoire de l’association et sa toute nouvelle politique, situant ainsi le cadre stratégique dans lequel pouvait s’inscrire le processus. En s’intéressant aux différences de fonctionnement des Instituts de Formation et la transmission faite en formation initiale, nous avons entrepris de regarder comment celle ci participe de la construction identitaire des étudiants à l’appui de lectures d’un psychosociologue et de sociologues A.Mucchielli, C.Dubar, et F.Osty. L’intention était de comprendre les impacts de l’universitarisation sur la transmission professionnelle. La réforme renforce t—elle les identités professionnelles ou les dilue t-elle ? Nous avons alors perçu alors les effets de cette réforme sur l’identité professionnelle corroborant l’idée de professionnalisation des étudiants. L’entreprise I.F.P.E.K, dans son projet d’établissement, a inscrit dans ses objectifs d’action : l’universitarisation des trois instituts de formation initiale. Aussi a-t-elle mis en place, une commission animée par le Directeur du Pôle Recherche et Développement, à laquelle nous avons été conviés en tant que formatrice ergothérapeute. Nous avons entrepris alors, d’adopter une posture d’observation participante pour saisir la position des acteurs et s’engager dans les prémisses du projet de construction d’une licence commune aux trois instituts, décidée dans cette instance. Comment les acteurs de la commission se représentent-ils l’universitarisation ? Comment se construit une licence ? Nous avons alors engagé une série d’actions. Nous avons interrogé les différents acteurs de la commission sur leurs représentations, interviewé la Directrice de l’institut de formation d’ergothérapie à l’Université de Paris XII Val de Marne, engagée depuis 2008 dans un projet similaire avec un institut de masso kinésithérapie. Nous concentrant sur les points susceptibles de faire lien, nous avons comparé les différents référentiels compétences des trois professions présentes à l’I.F.P.E.K et regardé la faisabilité du projet licence avec les éléments que nous possédions.
Ce projet licence a été contrecarré par certains membres de la commission. L’enchainement événementiel de l’universitarisation et sa dimension stratégique au niveau local, ont permis au Comité Directeur de piloter l’ensemble du projet d’universitarisation en invitant un membre universitaire pour la négociation. La commission s’est arrêtée et le projet licence abandonné. Ces nouveaux éléments nous ont questionné et obligé à réfléchir au niveau des différents projets, projet d’établissement, projet licence , projet universitarisation en les réinterrogeant, avec comme grilles de lecture celles construites par J.P.Boutinet dans différents ouvrages. Cette analyse, les perspectives offertes à l’I.F.P.E.K, constituent notre troisième et dernière partie.
Cette démarche a été motivée par la découverte de la recherche action comme levier de compréhension des problèmes posés à un groupe social et à un niveau plus personnel comme levier à une réelle auto-formation. C’est sur ce terrain nous nous sommes engagés avec beaucoup d’incertitudes, de conflits avec nous même, pour une approche compréhensive de ce qui apparaissait et se dérobait au fur et à mesure. L’exploitation « des notions-carrefours » (Barbier) ont apporté une intelligibilité aux faits.
En termes de méthode, ce mémoire est construit avec un ensemble de données de terrain différentes, des comptes rendus de réunions et des entretiens. Lors de leur exploitation dans les différentes parties du mémoire, nous avons indiqué au fur et à mesure, la manière dont nous avons procédé pour les recueillir.