Introduction :
L’hôpital dans lequel j’exerce, à Nouméa, est divisé en trois services : pédopsychiatrie, psychiatrie adulte, unité de personnes âgées. Ces services se divisent à nouveau en unités de soins : consultations externes, suivi à domicile, hôpital de jour, hospitalisation, etc… Dans chaque unité de soins, différents professionnels de santé interviennent de façon directe ou indirecte, pour et/ou avec le patient : médecin, infirmier(e), assistante sociale, rééducateurs, psycho-logue, secrétaire… Sans oublier les différents agents administratifs.
La personne souffrante est amenée, parfois, à transiter pour des temps variables, par ces différents lieux. Un risque rencontré, avec la multiplicité d’intervenants, est une juxtaposition d’interventions sans concertation. Il existe un risque de « découpage » du patient dans le temps et dans l’espace.
L’une des missions du cadre de santé est de veiller à ce que les différents intervenants coordonnent leurs actions, après en avoir partagé les regards, afin de préserver des liens par-delà le temps et l’espace. Pour cela le cadre de santé doit, pour ne pas fonctionner de façon disjonctive, travailler en équipe ; plus précisément en équipe interprofessionnelle de cadres de santé afin d’éviter le cloisonnement catégoriel préjudiciable, in fine, au patient.
L’être humain, pour reprendre l’expression d’Aristote, est « un animal social » qui, pour vivre, a besoin d’être en interrelation avec ses congénères. L’homme vit en relation, est dans un réseau quasi permanent d’interférences avec son environnement. L’équipe de cadres n’est qu’un cas particulier d’un regroupement d’êtres humains qui mettent en commun des savoirs, des compétences au service d’une institution, l’hôpital, et ici plus précisément, au service d’autres humains souffrants. L’isolement professionnel, comme l’isolement social, ne peut mener qu’à végéter ou à la mort. « (...) une vie sans parole et sans action (...) est littéralement morte au monde ; ce n’est plus une vie humaine, parce qu’elle n’est plus vécue parmi les hommes. C’est par le verbe et l’acte que nous nous insérons dans le monde humain et cette insertion est comme une seconde naissance dans laquelle nous confirmons et assumons le fait brut de notre apparition physique. (..) Elle peut être stimulée par la présence des autres dont nous souhaitons peut-être la présence. » (Arendt,1961,p. 233).
Si l’on pressent la richesse d’une équipe, car « le tout est quelque chose de plus que la somme des parties”, “c’est-à-dire que le tout a un certain nombre de qualités et de propriétés qui n’apparaissent pas dans les parties quand elles sont séparées » (Morin, 1999), la collaboration attendue n’est pas toujours au rendez-vous.
Dans les services hospitaliers, la notion d’équipe est pourtant un « allant-de-soi », très souvent au centre de débats, d’espérances mais aussi de désillusions (Legros,1980, p. 39). Ce « tout », cet ensemble de personnes réunies, suffit-il à former ce qui est habituellement qualifié d’équipe ? Le rassemblement dans un même lieu, l’hôpital, d’un ensemble de personnes ayant le même statut (cadre de santé), s’il peut former un groupe, suffit-il à constituer une équipe ? Quels sont les éléments qui permettent le fonctionnement en équipe ?
Je commencerai par exposer mon contexte de travail dans la problématique pratique avant d’aborder, dans un deuxième temps, la problématique théorique qui apportera des éclairages au questionnement évoqué ci-dessus. À partir de ce questionnement, une hypothèse de recherche sera exposée. Un troisième volet sera consacré à une enquête afin de valider ou non l’hypothèse de recherche. J’aborderai, dans une dernière partie, les perspectives de réflexion et d’actions rendues possibles par ce travail de mémoire.