En France le système de santé est en plein changement. En dehors de la partie de la réforme destinée à l’économie de santé, il y a toute une démarche destinée à améliorer la qualité des soins en responsabilisant le professionnel de santé et le patient.
Cette réforme pousse les différents acteurs de la santé à travailler de façon interdisciplinaire et sur le mode d’une prise en charge globale. Ils devraient placer le patient au centre de leurs préoccupations, en le faisant participer aux choix thérapeutiques qui le concernent.
Ainsi, le statut de la personne objet de soins devrait changer. Jusqu’à présent, le patient était considéré comme consommateur de soins, le plus souvent passif, n’ayant pas forcément la possibilité de décision.
_, Mais, malgré l’existence et le contenu de la charte du patient hospitalisé (1995), la personne soignée reste le plus souvent soumise au pouvoir médical (celui-ci est justifié par un savoir : « je sais mieux que vous ce qu’il faut faire ! ») elle est jugée incapable de décider et devient dépendante du système de soins.
Ainsi, dans le milieu médical, le personnel soignant devient pourvoyeur de dépendances supplémentaires et si une personne présente des incapacités importantes, elle perd souvent le droit de gérer sa vie et sa dépendance.
J’ai ainsi pu observer fréquemment, que dans la pratique plus un patient est dépendant moins il a de droits et plus il a de devoirs.
Les Anglo-saxons et les Canadiens francophones n’ont pas suivi la même voie, ils ont substitué au terme de « patient » le mot « client ». Ceci a pour effet de transformer son statut, il devient un partenaire qui tient à l’échange et à engager sa responsabilité personnelle pour gérer sa vie suivant ses propres aspirations. Il demande à comprendre et l’on a pu noter que l’efficacité des soins dépend du degré d’implication et de responsabilisation du sujet, dans le traitement (Adant, 1995).
Dans ce contexte l’ergothérapie (ergo-thérapie) est une activité professionnelle qui se définit étymologiquement par le moyen qu’il utilise à des fins thérapeutiques : Ergo vient de"ergon" qui peut être traduit par "œuvre" dont le sens comprend à la fois l’élaboration, la confection et son produit.
Aristote, cité par Spicher (1996), considère l’« εργον » comme la fonction de l’homme : « La fonction de l’homme consiste en une activité de l’âme conforme à la raison...(autrement dit)...Consiste dans un certain genre de vie : dans une activité de l’âme et dans des actions accompagnées de raison ».
Ce qui permet de traduire l’ergothérapie par : le traitement par l’activité, l’activité étant prise au sens large du terme. La profession considère que l’activité a un rôle fondamental dans le développement de l’individu.
L’activité, demande une participation active, mais ne possède pas forcément une production visible ou matérielle. Elle regroupe un ensemble de possibilités qui peut contenir autant une activité manuelle comme le jardinage qu’une activité cérébrale comme l’exercice de la pensée...
A travers l’activité, c’est la recherche de l’indépendance fonctionnelle1 et la restructuration de la personnalité que vise le traitement ergothérapique. Ces objectifs sont considérés comme les éléments facilitateurs de l’autonomie du patient.
Le terme autonomie est très familier pour les ergothérapeutes ; il figure comme objectif principal dans la plupart des dossiers cliniques, il fait partie de la finalité des interventions de réadaptation auprès du patient.
Mais que signifie le mot autonomie et quelle est sa valeur dans notre société ?
L’individu dans notre société cherche à obtenir un état de non-dépendance matérielle maximale dans tous les domaines de la vie. Cette ambition pour atteindre une "autonomie apparente" (être en pleine possession des ressources physiques et socio-économiques pour maîtriser, sinon dominer, son environnement) est destinée à libérer l’individu de contraintes restrictives de toutes sortes et de prendre son destin en mains.
Pour Schwarz (1991) ce type d’autonomie est "un malentendu fondamental qui séduit et pousse à conquérir une liberté fictive en rompant le tissu délicat et complexe de l’interdépendance humaine". Le danger de cette attitude, serait alors l’aliénation de l’identité individuelle, l’exploitation des autres, l’angoisse...
L’autonomie véritable ne se concevrait pas dans une lutte égoïste et territoriale contre autrui. Cela serait plutôt un processus prolongé qui demanderait, de la part des éducateurs ou rééducateurs, de se rendre compte que toutes les stratégies évidentes pour protéger ou dominer l’individu peuvent, à la longue, retarder ou supprimer son évolution vers une véritable autonomie (Schwarz,1991).
Autonomie, indépendance, activité, quels liens relient ces termes ?
Si l’acquisition de l’autonomie n’est pas nécessairement liée à l’indépendance fonctionnelle ou matérielle, comment pouvons-nous en tant qu’ergothérapeute répondre à cet objectif principal de réadaptation ?
C’est autour de ces questions que je vous propose de partager le travail de réflexion qui va suivre.